Analyse critique – Côte d’Ivoire Vision à Paris : une vitrine politique plus qu’un débat pluraliste
La rencontre de Paris autour du thème « Acquis, défis et perspectives de la gouvernance du Président Alassane Ouattara et le concept de l’Ivoirien nouveau » s’est présentée comme un espace de réflexion citoyenne. Mais à y regarder de près, elle a surtout ressemblé à une opération de communication politique, centrée sur la valorisation du bilan présidentiel.
Une gouvernance présentée sous un jour flatteur
Les responsables gouvernementaux ont insisté sur les infrastructures construites, la progression du taux d’électrification, l’amélioration de la couverture sanitaire et l’essor industriel. L’ensemble a été soutenu par des chiffres positifs, parfois répétés à l’excès, destinés à convaincre la diaspora que la Côte d’Ivoire se trouve sur une trajectoire ascendante.
Pourtant, nombre de ces indicateurs, même s’ils traduisent des avancées réelles, ne suffisent pas à masquer des disparités persistantes, notamment entre zones urbaines et rurales. Le discours a également peu abordé la question des inégalités sociales, de l’endettement à long terme et du chômage des jeunes.
Le paradoxe du discours sur la corruption
Le gouvernement a reconnu que la perception de la corruption demeure forte, mais a tenté de la relativiser, expliquant que c’est précisément parce que des arrestations sont faites que l’opinion pense qu’elle s’amplifie. Cet argument, qui inverse la charge de la preuve, ne convainc pas totalement. Dans les faits, la corruption continue d’être un problème structurel qui alimente la méfiance envers les institutions.
Libertés publiques et élections : des inquiétudes récurrentes
Plusieurs questions ont porté sur la régulation des réseaux sociaux et les restrictions légales introduites ces dernières années. Les réponses ministérielles ont mis en avant la nécessité d’un encadrement, mais sans dissiper les craintes d’un contrôle excessif des libertés à la veille d’échéances électorales sensibles.
Le gouvernement a promis des élections « pacifiques et apaisées », mais les souvenirs des violences de 2020 restent vifs. Or, aucune réponse précise n’a été apportée sur les garanties concrètes pour éviter de nouveaux affrontements.
L’Ivoirien nouveau : un idéal plus qu’une politique publique
La notion de « citoyen nouveau » est revenue à plusieurs reprises comme une solution aux défis de gouvernance. Cependant, le concept a été présenté de manière plus incantatoire que programmatique. Ni plan d’action, ni mesures éducatives ou civiques détaillées n’ont été exposés pour traduire cette ambition en réalité.
Une diaspora écoutée, mais sans véritable dialogue
Les membres de la diaspora ont posé des questions franches, parfois critiques, mais les réponses sont restées essentiellement défensives. Le format n’a pas favorisé un véritable échange contradictoire. Beaucoup y ont vu davantage une campagne de persuasion qu’un débat pluraliste.
En définitive
La rencontre de Paris a permis de rappeler les succès revendiqués par le gouvernement, mais elle a aussi révélé ses limites : absence de contradicteurs, minimisation des difficultés et utilisation du concept de « l’Ivoirien nouveau » comme outil rhétorique plutôt que projet concret.
Pour une partie de la diaspora, le rendez-vous a nourri l’enthousiasme. Pour d’autres, il a confirmé l’impression d’un exercice de communication politique, éloigné d’un véritable bilan partagé et d’une discussion ouverte sur l’avenir du pays.
Ange Pascal