Entretien avec Aka Armand De Sales, gérant du cabinet AKHyA Consultancy : « Réinstaller, c’est prévenir l’appauvrissement »

Rédigé par Ange Pascal le Lundi 29 Septembre 2025 à 22:59 | Lu 96 fois



Aka Armand De Sales, gérant du cabinet AKHyA Consultancy


 
Gérant du cabinet AKHyA Consultancy, spécialisé dans les études environnementales, sociales et les projets de réinstallation, Aka Armand De Sales partage sa vision et son expérience. Dans cet entretien accordé à Abidjan4all, il revient sur la délicate mission de relocalisation des commerçants du marché spontané voisin de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny, et expose la méthodologie qui fonde la réputation de son cabinet.
 
Abidjan4all : Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Aka Armand De Sales : Je suis Aka Armand De Sales, gérant du cabinet AKHyA Consultancy. Notre cœur de métier ce sont les études environnementales et sociales, notamment la réinstallation à toutes les phases du projet. C'est à dire des phases préliminaires (dimensionnement ou Scoping) jusqu'à la mise en œuvre en passant par la planification et les audits de la réinstallation. Concrètement, nous travaillons à concilier les intérêts des communautés qui occupent un espace et des promoteurs qui y implantent des projets. Cela implique souvent des déplacements physiques ou économiques, et notre rôle est de garantir que ces personnes soient relogées dans des conditions décentes, avec un maintien (une amélioration) de leurs moyens de subsistance.
 
Abidjan4all : Quelle vision guide vos interventions auprès des entreprises et institutions ?
A.A.D.S. : Notre philosophie est simple : éviter que les projets de développement n’appauvrissent les communautés locales. Nous veillons à ce que la sécurité alimentaire, l’accès à la terre, la santé, le logement et l’emploi soient garantis aux personnes déplacées. La réinstallation n’est pas qu’une opération logistique ; c’est une démarche humaine, sociale et économique.
 
Abidjan4all : Vous avez récemment conduit une mission délicate : la relocalisation du marché de fortune situé près du pôle pétrolier de l’aéroport d’Abidjan. Quel en était le contexte ?
A.A.D.S. : Ce marché représentait un double danger : un risque sécuritaire à cause de sa proximité avec les fûts de carburant, et un risque sanitaire, car les conditions d’hygiène étaient déplorables. Avec plus de 5 000 travailleurs de la zone aéroportuaire qui s’y rendaient chaque jour, il devenait urgent de trouver une solution. À la demande du gouvernement, AERIA, le gestionnaire de l'aéroport international Félix Houphouët Boigny d'Abidjan a mandaté notre cabinet pour concevoir et piloter la relocalisation.
 
Abidjan4all : Comment avez-vous réussi à convaincre les commerçants de se déplacer ?
A.A.D.S. : Ce fut le défi majeur. Beaucoup craignaient de perdre leur clientèle et redoutaient un « déguerpissement » brutal, comme cela s’est déjà vu ailleurs. Nous avons donc travaillé sur la transparence, en expliquant clairement les raisons de la relocalisation et en mettant en avant les bénéfices d’un nouveau cadre plus sûr et plus moderne. La démarche s’est appuyée sur des critères objectifs : niveau d’activité, acceptation volontaire et engagement à payer les taxes exigées par AERIA.
 
Abidjan4all : Et les résultats ?
A.A.D.S. : Les premiers témoignages sont positifs. Une commerçante nous confiait par exemple qu’elle avait un employé sur l’ancien site, et qu’aujourd’hui elle en emploie deux. Cela traduit une amélioration de ses revenus et de sa clientèle. Certes, nous n’avons pas encore finalisé une évaluation chiffrée, mais les signaux sont encourageants après seulement un an et demi d’activité sur le nouveau site de Dabali Airport.
 
 

Abidjan4all : Votre approche accorde une place importante à l’inclusion sociale. Comment cela se traduit-il concrètement ?
A.A.D.S. : Chaque projet intègre une analyse socio-économique fine des personnes affectées. Nous identifions les plus vulnérables — enfants en bas âge, personnes âgées, malades, foyers en dessous du seuil de pauvreté — et nous adaptons des solutions spécifiques à leur situation. Il ne s’agit pas d’appliquer une recette unique, mais d’apporter une réponse différenciée selon les besoins.
 
Abidjan4all : Qu’est-ce qui distingue AKHyA des autres cabinets de conseil ?
A.A.D.S. : Nous travaillons selon les normes de la SFI (IFC), en particulier la norme MP5 (NP5) réinstallation involontaire et acquisition des terres. La différence se joue dans l’anticipation : nous insistons pour que la réinstallation soit prévue dès la conception du projet. Trop souvent, les promoteurs s’y intéressent en dernière minute, alors que les financements sont déjà verrouillés. Or, une réinstallation improvisée est une réinstallation vouée à l’échec.
 
Abidjan4all : Avez-vous d’autres exemples récents de missions réalisées par AKHyA ?
A.A.D.S. : Oui. Nous avons accompagné une société agro-industrielle dans la zone de Marabadiassa, en concevant un plan de restauration des moyens de subsistance (PRMS) pour des populations contraintes de quitter la forêt du Bandaman Blanc. Nous travaillons également sur des projets de « licence sociale » pour préparer l’acceptation des communautés locales face à l’arrivée de grandes entreprises. C’est ce que nous faisons en ce moment pour le groupe Koulougold.
 
Abidjan4all : Quels sont vos projets pour l’avenir ?
A.A.D.S. : Notre ambition est claire : figurer parmi les cinq meilleurs cabinets ivoiriens en matière d’expertise environnementale et sociale, puis étendre nos activités dans la sous-région. Mais au-delà des chiffres, notre fierté est d’accompagner des projets qui respectent les communautés et transforment positivement leur cadre de vie.
 
Abidjan4all : Quel message souhaitez-vous adresser aux institutions et aux investisseurs ?
A.A.D.S. : AKHyA est une expertise ivoirienne disponible et crédible. Nous avons montré, avec l’exemple d’AERIA et du marché relocalisé de Dabali Airport, qu’une réinstallation réussie est possible. C’est un modèle aujourd’hui affiché dans la stratégie RSE d’AERIA, et nous en sommes fiers. Pour réussir, il faut un véritable partenariat entre l’institution, le promoteur et le cabinet. Et c’est ce que nous proposons.
 
Entretien réalisé par Ange Pascal
 


Dans la même rubrique :