Il a le ton posé, le mot bien pesé, mais l’agenda politique, lui, est clairement affiché. Adama Bictogo, président de l’Assemblée nationale et maire de Yopougon, était ce 10 juillet 2025 l’invité de l’émission Tête-à-Tête sur France 24, interrogé par Marc Perelman.
En pleine incertitude sur une potentielle candidature d'Alassane Ouattara pour un quatrième mandat présidentiel, l’ancien ministre s’est prêté à l’exercice d’une communication politique calibrée, mêlant culte du chef, relativisme juridique et effacement des tensions sociopolitiques. Un exercice révélateur de la ligne du RHDP dans une Côte d’Ivoire en surchauffe.
Une « candidature évidente »... qui tarde à se dire
Le président Ouattara, désigné par acclamation par son parti le 21 juin dernier, n’a pourtant pas encore confirmé sa participation au scrutin d’octobre 2025. Pour Adama Bictogo, cette absence de déclaration officielle ne serait qu’un détail : « Il n’y a pas de doute. Le président sera candidat », assène-t-il, balayant d’un revers de main toute hypothèse contraire.
Mais cette insistance sur l’« évidence » d’un quatrième mandat — après la promesse non tenue de 2020 de ne pas se représenter — trahit plutôt une fébrilité qu’un triomphe. Le RHDP semble marcher sur une corde raide : maintenir la fiction d’un chef sage et réticent à l'exercice du pouvoir tout en verrouillant toute alternative possible à l’intérieur du parti.
Et si le président décidait, contre toute attente, de ne pas concourir ? Bictogo se déclare prêt, « homme de mission », fidèle soldat d’un régime qui a fait de la loyauté au président une condition première d’ascension politique.
Une exclusion électorale assumée et maquillée
L’échange devient plus tendu lorsque la question des principaux opposants interdits de candidature est abordée. Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé ou encore Tidjane Thiam sont pour l’instant hors course. Une situation que l’interviewer qualifie d’« inquiétante » pour la légitimité du scrutin.
Bictogo, lui, botte en touche. Il se retranche derrière la loi, notamment celle de 1961, activée pour bloquer la candidature de Tidjane Thiam, pourtant jamais utilisée depuis l’indépendance. « La perception est une chose, la loi en est une autre », ose-t-il, avec un aplomb qui rappelle que le droit devient souvent instrument dans les mains du pouvoir ivoirien.
Quant aux tensions perceptibles dans le pays ? Le président de l’Assemblée nationale les nie tout simplement : « Je ne vois pas de grandes préoccupations. »
Un art de la rhétorique déconnecté du terrain
À l’heure où l'opposition ivoirienne crie à la dérive autoritaire et que la société civile s'inquiète d’une présidentielle sans choix réel, le discours de Bictogo sonne comme un contresens historique. Il glorifie la transformation économique du pays, parle de stabilité, de paix, de « développement structurel ». Mais les termes paraissent creux face à la réalité d’un débat démocratique verrouillé, d’un appareil judiciaire instrumentalisé, et d’un tissu social toujours marqué par les fractures de la guerre postélectorale de 2010-2011.
Ceux qui s’inquiètent d’une élection sans opposants sérieux ne trouveront aucune réponse rassurante dans cet entretien. Pire : le RHDP y affirme sa stratégie de déni et de continuité autoritaire.
La démocratie ? Un simple cadre légal à adapter aux circonstances.
La légitimité populaire ? Une affaire de taux de participation.
L’échange devient plus tendu lorsque la question des principaux opposants interdits de candidature est abordée. Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé ou encore Tidjane Thiam sont pour l’instant hors course. Une situation que l’interviewer qualifie d’« inquiétante » pour la légitimité du scrutin.
Bictogo, lui, botte en touche. Il se retranche derrière la loi, notamment celle de 1961, activée pour bloquer la candidature de Tidjane Thiam, pourtant jamais utilisée depuis l’indépendance. « La perception est une chose, la loi en est une autre », ose-t-il, avec un aplomb qui rappelle que le droit devient souvent instrument dans les mains du pouvoir ivoirien.
Quant aux tensions perceptibles dans le pays ? Le président de l’Assemblée nationale les nie tout simplement : « Je ne vois pas de grandes préoccupations. »
Un art de la rhétorique déconnecté du terrain
À l’heure où l'opposition ivoirienne crie à la dérive autoritaire et que la société civile s'inquiète d’une présidentielle sans choix réel, le discours de Bictogo sonne comme un contresens historique. Il glorifie la transformation économique du pays, parle de stabilité, de paix, de « développement structurel ». Mais les termes paraissent creux face à la réalité d’un débat démocratique verrouillé, d’un appareil judiciaire instrumentalisé, et d’un tissu social toujours marqué par les fractures de la guerre postélectorale de 2010-2011.
Ceux qui s’inquiètent d’une élection sans opposants sérieux ne trouveront aucune réponse rassurante dans cet entretien. Pire : le RHDP y affirme sa stratégie de déni et de continuité autoritaire.
La démocratie ? Un simple cadre légal à adapter aux circonstances.
La légitimité populaire ? Une affaire de taux de participation.
Un tambour restitué pour couvrir la dissonance politique ?
Seul point de consensus : la restitution du tambour-parleur de la communauté Abèh, saisie par la France coloniale en 1916, et rendue à la Côte d’Ivoire. Bictogo y voit un geste fort de réconciliation culturelle et d’amitié entre les deux pays. Un symbole qui, s’il est louable, ne saurait masquer l’état de tension politique interne ni l’attente d’un renouveau démocratique tant en Côte d’Ivoire qu’au sein même du RHDP.
À deux mois du dépôt des candidatures, l’interview de Bictogo laisse une impression de flou organisé. Ouattara ira-t-il ? Probablement. En a-t-il le droit moral ou démocratique ? C’est une autre affaire. Quant aux Ivoiriens, ils devront choisir dans un cadre politique dont les lignes semblent déjà tracées à l’encre de l’exclusion.
Junior Gnapié
Source de l’entretien : Adama Bictogo invité de Marc Perelman dans l’émission « Tête-à-Tête » sur France 24, interview diffusée en juillet 2025 (durée : 12 minutes).
Seul point de consensus : la restitution du tambour-parleur de la communauté Abèh, saisie par la France coloniale en 1916, et rendue à la Côte d’Ivoire. Bictogo y voit un geste fort de réconciliation culturelle et d’amitié entre les deux pays. Un symbole qui, s’il est louable, ne saurait masquer l’état de tension politique interne ni l’attente d’un renouveau démocratique tant en Côte d’Ivoire qu’au sein même du RHDP.
À deux mois du dépôt des candidatures, l’interview de Bictogo laisse une impression de flou organisé. Ouattara ira-t-il ? Probablement. En a-t-il le droit moral ou démocratique ? C’est une autre affaire. Quant aux Ivoiriens, ils devront choisir dans un cadre politique dont les lignes semblent déjà tracées à l’encre de l’exclusion.
Junior Gnapié
Source de l’entretien : Adama Bictogo invité de Marc Perelman dans l’émission « Tête-à-Tête » sur France 24, interview diffusée en juillet 2025 (durée : 12 minutes).