
Côte d’Ivoire — Pascal Affi N’Guessan porte plainte contre X devant le procureur et demande la suspension du processus électoral
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision rendue le 8 septembre, a jugé la candidature d’Affi irrecevable pour « défauts de parrainage », indiquant que le seuil de parrainages valides requis n’avait pas été atteint. Affi conteste vigoureusement les chiffres avancés par l’Institution et affirme avoir déposé plus de 44 000 parrains — au-delà du seuil légal — dénonçant un écart important entre ce qu’il dit avoir remis et ce qui a été analysé par le Conseil.
Analyse : quelles voies s’ouvrent à Affi N’Guessan ?
La plainte devant le procureur (voie pénale) et les recours éventuels devant les juridictions électorales ou administratives offrent plusieurs trajectoires possibles. Voici un état des options, des mécanismes et des issues probables.
1) Voie pénale : enquête pour falsification / atteinte aux documents officiels
- Ce que cela vise : si Affi apporte des éléments montrant qu’un ou plusieurs documents officiels (listes de parrains, procès-verbaux, fichiers informatiques) ont été falsifiés, le procureur peut ouvrir une enquête pénale (recherches, auditions, saisies informatiques, confrontations). Une instruction pourrait être confiée à un juge d’instruction en cas d’indices sérieux.
- Effet possible : une constatation de falsification par la justice obligerait théoriquement la réouverture du dossier, la rectification des décisions administratives prises sur la base des documents litigieux, voire des poursuites contre les responsables.
- Limites pratiques : la procédure pénale peut être lente et les résultats peuvent ne pas intervenir avant la date du scrutin. La coopération de la CEI, du greffe et du Conseil constitutionnel pour l’accès aux pièces est déterminante.
2) Voie contentieuse / électorale (recours en annulation ou réexamen)
- Recours devant le Conseil constitutionnel ou juridictions compétentes : théoriquement, les candidats disposent de voies de recours prévues par la loi électorale pour contester le contrôle des parrainages. En pratique ici, le Conseil constitutionnel est lui-même l’autorité ayant statué, ce qui complique la situation — mais si des éléments nouveaux et matériels (expertise technique, certificats de dépôt, copie tamponnée remise à la CEI) sont produits, il est possible de demander un réexamen ou de saisir d’autres juridictions selon les voies prévues par la loi.
- Mesures conservatoires : Affi a demandé la suspension du processus électoral le temps que la justice se prononce. Un juge des référés (si la voie existe en l’espèce) pourrait, en théorie, ordonner des mesures conservatoires si un préjudice manifestement irrémédiable est établi. Mais suspendre une élection est juridiquement et politiquement très lourd — rares sont les juridictions prêtes à le faire sans preuve probante et urgence.
3) Voie politique / mobilisation et pressions internes et internationales
- Mobilisation de l’opinion et de la société civile : Affi peut transformer sa plainte en levier politique pour mobiliser l’opinion, demander des audits indépendants (ONG, syndicats, observateurs internationaux) et obtenir des soutiens nationaux. Plusieurs recalés précédemment ont usé de la rue, des communiqués et des relais médiatiques pour peser.
- Recours aux organisations sous-régionales et internationales : saisie d’instances comme la CEDEAO, l’ONU ou des missions d’observation pour dénoncer un manque de transparence — ces instances peuvent exercer une pression diplomatique, mais n’annulent pas directement des décisions internes.

Côte d’Ivoire — Pascal Affi N’Guessan porte plainte contre X devant le procureur et demande la suspension du processus électoral
Précédents comparables en Afrique
Plusieurs pays africains ont connu des cas où des candidatures ont été invalidées ou des candidats exclus au motif d’impératifs légaux (parrainages, condamnations, nationalité), entraînant réactions judiciaires et politiques.
Sénégal (Ousmane Sonko, Aïda Mbodj — 2024)
Plusieurs pays africains ont connu des cas où des candidatures ont été invalidées ou des candidats exclus au motif d’impératifs légaux (parrainages, condamnations, nationalité), entraînant réactions judiciaires et politiques.
Sénégal (Ousmane Sonko, Aïda Mbodj — 2024)
- Cas Sonko (2024) : l’exclusion de Sonko de la liste des candidats en 2024, motivée par des condamnations pénales et des questions de résidence/peines, a provoqué une vive contestation et des vagues de protestations. Des recours judiciaires ont été engagés, parfois avec des retournements (certaines décisions ont été contestées au plan judiciaire). L’affaire a montré que l’exclusion d’un leader populaire peut dégénérer en crise politique si la contestation se diffuse.
- Cas Aïda Mbodj (2024) : recalée pour insuffisance ou duplications de parrainages, elle a dénoncé un contrôle biaisé des dossiers — situation analogue à celle dénoncée aujourd’hui par Affi. Ces précédents sénégalais illustrent deux enseignements : (1) la technique des parrainages est devenue un filtre contesté et (2) la contestation juridique peut s’accompagner d’une forte mobilisation politique.
Enseignements pratiques
- Preuves matérielles nécessaires : dans tous ces dossiers, l’issue favorable au candidat dépend fortement de la capacité à produire des preuves irréfutables (copies déposées, récépissés, tampons, enregistrements informatiques horodatés).
- Risque de polarisation : l’invalidation de candidatures populaires tend à augmenter la polarisation et, parfois, à déclencher des tensions publiques. Les autorités judiciaires et administratives se trouvent alors au centre d’un débat sur la légitimité du processus.
Scénarios probables et recommandations
- Scénario juridique favorable (moins probable sans preuves fortes) : la plainte débouche sur une enquête qui établit des irrégularités matérielles ; le Conseil constitutionnel ou une juridiction accepte de réexaminer certains parrainages. Résultat : Affi est réintégré.
- Scénario d’enquête sans effet avant le scrutin (probable) : enquête ouverte, mais décisions et mises en cause tardent ; l’élection se tient. L’action reste politiquement utile (mise en lumière, création d’un dossier pour postérité et pressions internationales).
- Scénario de blocage/polarisation (risque élevé) : absence de réponse judiciaire rapide, montée des manifestations et tensions politiques ; possible intervention d’observateurs internationaux ou d’acteurs régionaux appelant au dialogue.
- Scénario juridique défavorable : plainte classée sans suite pour insuffisance de preuves ; Affi perd la voie légale mais peut continuer la bataille politique (coalition, recours aux observateurs, campagnes de sensibilisation).
La plainte déposée aujourd’hui par Pascal Affi N’Guessan ouvre une procédure pouvant, si elle est étayée par des preuves solides, remettre en cause la décision d’invalidation de sa candidature. Toutefois, les délais judiciaires, la nature des preuves disponibles et le contexte politique détermineront l’efficacité réelle de cette démarche avant la date du scrutin. À défaut d’un résultat rapide, l’action judiciaire servira surtout à constituer un dossier politique et juridique durable — utile pour les recours ultérieurs et pour mobiliser l’opinion sur la transparence du processus électoral en Côte d’Ivoire.
Par Ange Pascal, correspondant